Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LABEL CULTURE  IVOIRE ET AFRIQUE

Plateforme pour la valorisation de la culture de la Cote d'Ivoire et de l'Afrique en générale. Montrer les atouts multiples que regorge le continent Africain en matière d'Art, favorisant un gout du tourisme .

L'HISTOIRE DU VODOU AU BENIN

 Bénin 

« Le Dahomey est incurablement religieux », a pu écrire Maurice A. Glélé . Des études sérieuses ont été consacrées au vodoun dès le début de l' époque coloniale aussi bien au Dahomey qu'au Togo allemand. Aux grands auteurs étrangers (Le Hérissé, Maupoil, Herskovits) se sont joints plus tard des Béninois, tels Paul Hazoumé, Alfred Mondjannagni, plus récemment encore les pères Jacob Agossou et Barthélémy Adoukonou. 
Un nom encore s'impose, en plus des écrivains et chercheurs proprement dits. Car, si l'homme n'était pas africain, il l' était devenu plus qu' aucun autre étranger et dans des circonstances exceptionnelles: Pierre Verger ( 1902-1996), photographe de talent, a découvert l' Afrique à la fin de 1935 et consacré dix-sept ans de sa très longue vie à l'étude et à l'illustration de la religion vodoun. Cas exceptionnel, il en gravit progressivement tous les degrés d'initiation, poursuivant sa quête outre-Atlantique, notamment au Brésil à Salvador de Bahia où il avait fini par se fixer. Il nous laisse aujourd'hui 65000 clichés représentant 50 ans de travail, et son oeuvre considérable a fait, de son vivant déjà, l' objet de recherches universitaires. 
Toutefois, au-delà des images, et puisque le Bénin en est vraisemblablement le berceau, il faut essayer d' indiquer , même rapidement, le contenu d'un monde spirituel fantastique, partiellement secret, complexe et encore mal appréhendé dont les détracteurs continuent, apparemment non sans raison, de s'inquiéter. Rien d'étonnant à cela. Si le vodoun demeure lourd de mystères, c'est bien parce qu'il s'enferme à plaisir dans ses interdits. Incommunicabilité ? Les exigences initiatiques imposent à l'investigateur « perspicacité, persévérance, humilité », reconnaît encore un journaliste béninois en 1991. En supposant même qu'il soit ouvert, plus accessible, plus explicite, il n'est pas simple.

Particulièrement bien implanté au Sud-Bénin et au Sud Togo voisin, est-il venu de l'est avec les Yoruba/Nago ? ou de l'ouest avec les Adja Tado sous le règne de Tégbessou au XVIIIe siècle ? Mais si les Adja Tado ont eux-mêmes une origine commune avec les Yoruba, nous demandions-nous quelques chapitres plus haut, les deux sources, tardivement rassemblées, seraient-elles alors complémentaires ? Le panthéon mina-fon-yoruba est en tout cas sensiblement le même et un de ses éléments majeurs, le Fa décrit un peu plus loin, est incontestablement d'origine yoruba. 
Sous l'autorité d'un couple créateur Mawou-Lissa, plutôt flou, lointain, si peu familier des humains que ceux-ci ne s'adressent presque jamais à lui directement, tout ce qui dans la nature peut être considéré comme l'expression de la volonté ou de la création divines se trouve à son tour divinisé: animaux, végétaux, minéraux, montagnes, sources, rochers, air, feu, vent, arc-en-ciel, foudre, pluie, grêle, cours d'eau et principales maladies, telles la variole, la lèpre, la néphrite. 
Du coup, le mot « vodoulvodoun » désigne aussi chacun de ces innombrables « fétiches », objets çà et là de rituels d'adoration très pragmatique s'accompagnant toujours de libations, d'offrandes et de sacrifices. Aux principaux vodoun interethniques relativement bien connus dans l' ensemble de la région s'ajoutent des vodoun locaux purement ethniques, et encore d'autres divinités des sociétés secrètes. Paul Hazoumé présente par exemple, dans Doguicimi, les sept fétiches propres à Abomey. 
Les rois et les grands ancêtres eux-mêmes, une fois disparus, deviennent vodoun à leur tour, objets chacun d'un culte familial, privé et spécifique, distinct des cultes célébrés à l'intention des vodoun publics. On connaît bien les attributs, les danses et les symboles particuliers des plus importants de ceux-ci (qui, comme les dieux grecs et romains, portent d'ailleurs un double nom yoruba et adja-éwéfon) : Sakpata, vodoun maître de la Terre, nourrit les hommes du grain des récoltes mais, quand il se fâche et veut les punir, les leur colle sur la peau; « roi des perles », il est donc aussi maître de la variole.

Hèbiosso, qui règne sur le ciel, le tonnerre et les éclairs, foudroie les criminels; ses prêtresses agitent en dansant une double hache très caractéristique qui symbolise en fait un bélier cracheur de foudre. Shango/Ogoun, vodoun des métaux, du fer et de la forge, reçoit les hommages de tous ceux qui fabriquent ou utilisent les objets en fer, à commencer évidemment par les forgerons. 
Un autre culte plus familial et plus caché, celui des tohossou par exemple, vise d'étranges créatures aquatiques censées perpétuer le souvenir d'enfants royaux nés anormaux et noyés pour cette raison dans une source ou un marigot, ce qui expliquerait probablement les infanticides d'autrefois au royaume d'Abomey... et d'aujourd'hui encore lorsqu'on en signale.

A qui craint la mort, doute de son avenir ou hésite sur une décision à prendre, il est toujours loisible de consulter les oracles du Fa. Ce système divinatoire venu d'lle-Ife et donc d'origine yoruba est étroitement associé à la religion traditionnelle et constitue lui aussi un vodoun honoré d'un culte particulier célébré au coup par coup lors de chaque consultation. De nombreux ouvrages ont été consacrés à cette technique très élaborée, pratiquée à partir de 16 signes principaux et 240 signes secondaires par des devins et célébrants spécialistes, les bokonon, disposant du matériel approprié : plateau de bois, chapelet, 36 noix de palme, bâtonnets, sacs, autels portatifs et un peu de poudre de kaolin pour saupoudrer le plateau porte-signes, à moins qu'on n'ait dessiné ceux-ci sur le sable.

La dimension cachée du vodoun couvre des activités inquiétantes qui n'ont pas manqué de susciter très tôt jugements indignés, condamnations catégoriques et mises hors la loi plus ou moins efficaces: rituels initiatiques ou sacrificiels secrets, enlèvements et empoisonnements d'enfants et d'adultes, mises à mort de victimes consentantes ou punies pour désobéissance et bavardages intempestifs à l'extérieur, dictature sans pitié des féticheurs sur leurs ouailles, en général, leurs novices, leurs servantes et leurs auxiliaires en particulier. Graveleux ou terrifiants, difficilement contrôlables, ces faits divers ne sont jamais longtemps absents des colonnes de la presse locale, notamment de la presse populaire à sensation beaucoup plus développée au Ghana et en Nigeria qu'au Bénin. 
Que révèle l'univers vodoun au voyageur un peu attentif ? On a signalé, à propos du Sud, son empreinte religieuse multiple sur le paysage rural: les théories de jeunes canéphores, vodounsi initiées ou servantes, remontant du marigot ; les legba poussiéreux ou paillards au coin des bois sacrés et aux croisements de pistes; le temple des pythons de Ouidah à deux enjambées à peine de la basilique catholique ; et les nombreux enclos, résidences de prêtres Vodounnon et devins bokonon, temples et autels ornés de peintures polychromes au hasard des villages. 
Rien que sur les legba il y aurait beaucoup à dire. Comment ces personnages grotesques, qu'on dit méchants, agressifs, inspirateurs de haine, de jalousie et de mauvaises actions, peuvent-ils être en même temps gardiens bienveillants des maisons, des villages et des carrefours ? Grimaçants, obscènes, défiant toute pudeur, ils font rire, assure t-on, mais ne suscitent-ils pas plutôt la peur quand on les voit vengeurs, incendiaires, capricieux, furieux, brandissant massue ou couteau ?

De son côté, le culte particulier du python Dangbè a été apporté, en même temps que celui d'un nain mythique à neuf têtes, par les Houèda de Hindji et de Savè ; ou alors par les Yoruba d'Ile-Ife, et l'on replonge dans l'incertain.

Il rend en tout cas hommage au serpent en tant qu' incarnation de l'Etre suprême. 
« C'est Dangbè qui a ouvert les yeux à l'univers et permis à l'humanité de venir au monde » 
Inoffensif quand il est exhibé par ses adorateurs, le pythons se prête à d'étranges contorsions qui font évidemment frémir plus d'un visiteur étranger. On dit que sa morsure éventuelle serait simplement annonciatrice de bienfaits et comme une vaccination contre d'autres vraiment dangereuses.

Moins inoffensive probablement dans ses applications, la croyance fortement ancrée en l'impossibilité, l'anormalité des morts naturelles pousse les prêtres du vodoun et les familles des défunts à toujours rechercher un(e) coupable, meurtrier, empoisonneur ou malfaisant, réel ou supposé, qu'ils s'arrogent le droit de punir. 
Par ailleurs, si l'âme est considérée comme immortelle, les pensionnaires résidents de la Cité des Morts sont privés à jamais de toute communication avec le monde des vivants... à moins que ceux-ci ne leur dépêchent comme messagers des victimes immolées à cet effet, plus souvent consentantes qu'on ne voulait bien l'admettre, fiers en somme de l'ultime mission qui leur était confiée. Ce serait là l'origine des multiples sacrifices humains introduits à Abomey -dit la tradition -par le huitième roi Adaza. Mais quelle est la part, dans cette pratique désastreuse pour la réputation du royaume à l'extérieur, des calculs d'une vulgaire et basse politique permettant notamment d'éliminer sans peine tous les gêneurs et contempteurs du pouvoir ?

Peut-on dire qu'après un long temps de suspicion et d'ignorance, le vodoun est sorti définitivement démystifié, réhabilité, du 1 er « Festival des cultures vaudou » de Ouidah en 1993 ? Soyons prudents. Au-delà d'une grande fête un peu pagailleuse et désordonnée (ironiquement surnommée par certains « le bal poussière de Soglo » !), on a certainement dépassé la notion simpliste, méprisante, de « culte fétichiste primitif », admettant désormais le vodoun en tant que fait culturel complexe, majeur, digne d'une étude scientifique qui satisfasse aux normes exigeantes de l'ethnologie religieuse.

Ceci dit, gare au vodoun ! Le cri d'alarme a été de nouveau poussé. Déjà le régime de la République populaire du Bénin, prônant l'athéisme, avait pris position dans le discours d'Abomey de 1974 contre les religions en général et lancé un peu plus tard une campagne particulièrement destinée à déraciner « les forces du mal et les croyances rétrogrades ». Sans grand succès. Toutes les interdictions ont été levées par Soglo en 1989 mais on continue, çà et là, avant tout dans les milieux catholiques les plus triomphants et les plus rigides, à s'inquiéter de ces pratiques rampantes, dénoncées comme pseudo-scientifiques, attardées, et à l' occasion, criminelles. 
L'Église catholique, vent en poupe, dit en tout cas haut et fort qu'elle n'en veut plus, par la voix de l'écrivain Jean Pliya, catholique militant : 
«L'animisme... au Bénin... a pour nom vaudou. Celui-ci connaît aujourd'hui un regain qui m'inquiète. Autour du Vaudou se construit en effet une forme de vie marquée par le secret, le règlement de comptes, l'empoisonnement. Ce ne sont pas là des valeurs d'avenir, des valeurs épanouissantes... Le vaudou n'encourage pas l'éducation scolaire, il enferme les enfants dans les couvents... En tant que chrétien, il faut que je puisse proposer autre chose » 
Certains sociologues confirment effectivement la peur, parfois aussi la honte, inspirées en milieu rural par la terrible toute-puissance des vodounnon, peur des recrutements forcés de novices, peur du secret, peur des prélèvements obligatoires, peur des séances de transe, peur de l' empoisonnement et de la folie. Il n ' est donc pas certain que la démocratie béninoise ait gagné à revenir sur les interdictions du régime populaire. Apparemment les villages du Sud les approuvaient plus largement qu'on a d'abord pu le penser. Le clergé et les fidèles du vodoun sauront-ils, voudront-ils, prendre position face à la modernité, face au développement ? Pour l'instant, deux rivaux inconciliables s'en disputent la direction, mais le vodoun a fini par obtenir , non sans mal, son « Noël des animistes », la fête religieuse chômée annuelle qu'il avait demandée pour le 10 janvier.

Des Images des rituels vodou
Des Images des rituels vodou
Des Images des rituels vodou
Des Images des rituels vodou
Des Images des rituels vodou
Des Images des rituels vodou

Des Images des rituels vodou

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article